VIE DES COLLECTIONS | TÊTE DE FEMME | UNE NOUVELLE ACQUISITION

OSSIP ZADKINE (1888 - 1967)
TÊTE DE FEMME
, [1927] ou [1930-1931]

Pierre volcanique
Achat de la Ville de Paris
Inv. 2022.1.1

Cette magnifique Tête de femme, préemptée en mars 2022, est la dernière acquisition du musée Zadkine. Pour quelques mois, elle fut exceptionnellement mise à l’honneur dans la véranda, au cœur du parcours des collections permanentes.

Sculptée en taille directe dans de la pierre volcanique, cette tête témoigne de la maîtrise technique de l’artiste. Zadkine fait montre d’une connaissance intime de la matière : les différents traitements de la pierre associent volumes et incisions et jouent sur différentes nuances de gris.

Le bloc d’un gris sombre, dans lequel Zadkine sculpta cette Tête de femme, bloc indiqué dans les documents d’archives comme de lave, est un basalte. Le gris sombre de cette roche chargée d’oxydes aux sourds reflets métalliques, confère une présence particulière au visage qui semble comme en émaner, auquel elle confère sa puissante densité.

La date à laquelle Zadkine sculpta ce bloc reste inconnue. Certaines sources en fixent le travail en 1927, mais, selon toute vraisemblance, la genèse de cette tête est davantage à situer vers 1930-1931. Sa présentation dans le cadre de la grande rétrospective Zadkine de janvier 1933 au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, permet d’établir que sa création fut, en toute hypothèse, antérieure à cette date.

Cette œuvre demeura longtemps dans les ateliers de la rue d’Assas, où elle fut conçue ; échappant de peu à la destruction aux heures sombres de l’exil de Zadkine aux États-Unis, pendant la Seconde Guerre mondiale, exposée de loin en loin, à trois reprises, dans les années d’après-guerre, avant que le directeur des magasins Nederlands Kattenburg, la découvrant à l’occasion de l’une de ses visites à Zadkine, n’en fasse l’acquisition en 1955. 

Demeurée en main privée jusqu’en 2000, elle fut alors mise aux enchères une première fois.

Préemptée à l’occasion de son second passage en vente publique, le 30 mars dernier, à Paris, son entrée dans les collections, constitue pour le musée un enrichissement majeur.

Les têtes sculptées par Zadkine dans la technique dite de la taille directe qu’il affectionnait tout particulièrement sont, avec les torses nés de cette prédilection, au nombre de ses œuvres, de fait, les plus remarquables.
Ces têtes sont rares.

Au sein du fonds de sculptures hérité du legs Valentine Prax, fondateur de la création du musée Zadkine en 1982, leur corpus est restreint. Acquises très tôt par les collectionneurs, la majeure partie d’entre elles demeure détenue par des particuliers.

La Tête de femme qui fait aujourd’hui son retour dans la maison dans laquelle Zadkine vint s’installer en 1928 et prend place pour quelques mois, dans le vestibule par lequel, de son vivant, il y faisait entrer ses hôtes, est au nombre de ces compositions d’exception. 

Cette Tête de femme est emblématique de l’intelligence éminente de Zadkine de la matière et de sa capacité à en rendre tangible la beauté infuse.
Le jeu de contraste sur lequel repose la taille du bloc de « roche noire » - termes éthiopiens dont la tradition voudrait que le mot « basalte » soit le dérivé -, dans laquelle Zadkine fit advenir cette tête est à cet égard particulièrement instructive.
La différence de texture entre la pierre laissée brute, dans laquelle a été sculptée la chevelure et celle striée sous l’action de la gradine, qui anime le visage, lui donne son relief et, au travers de sa tonalité sombre en suggère la carnation, sont à ce titre exemplaires.

 

Tête de femme [1927] ou [1930-1931]                                 Tête de femme [1931]                                                       Tête de femme [1930]
pierre volcanique.                                                                  lave                                                                                   bois du Brésil
Nouvelle acquisition, musée Zadkine, Paris                          Collection particulière                                                        musée Zadkine, Paris

Deux autres têtes dont certains traits, particulièrement distinctifs – et notamment la forme de la bouche et dissymétrie du regard - indiquent qu’elles furent inspirées par le même modèle, sont à rapprocher de cette composition. La première, conservée dans une collection privée, également sculptée dans un basalte -  dont la similitude tant de teinte que de grain laisse à penser qu’il pourrait avoir été extrait du même bloc ; la seconde - conservée au musée - taillée dans un morceau de bois du Brésil.

Contemporaine du voyage que Zadkine fit en Grèce à l’automne 1931, cette Tête de femme porte la marque du retour à l’Antique, qui s’observe dans son œuvre durant les années qui précédèrent et n’est pas sans faire songer, à cet égard, à certaines créations de Picasso marquées par ce même retour.

Le hiératisme qui y domine et s’en dégage est emprunté à Byzance, opérant tel celui d’une icône, manifestation de l’invisible devenue visible, imposant par sa présence et son silence, la contemplation.

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