Actualités du musée

Des acquisitions récentes présentées dans l'exposition Zadkine Art déco

Ossip Zadkine, Tête d’éphèbe, 1937 
Granit , 40 x 22 x 28 cm
Paris, musée Zadkine

Les têtes sculptées sont, avec les torses, un des thèmes favoris de Zadkine. Cette Tête d’éphèbe est caractéristique de la manière dont le sculpteur aime se confronter directement au matériau, par la technique de la taille directe appliquée à un bloc de granit, et le sublimer pour donner à cette tête un caractère archétypal.
Cette œuvre a été achetée par l’architecte-décorateur Marc du Plantier, grand ami de Zadkine et figure importante de la vie mondaine parisienne. Elle prenait place dans son luxueux appartement, conçu par Marc du Plantier lui-même dans un style moderniste et inauguré en 1935 à Boulogne-Billancourt, aux côtés de deux autres chefs d’œuvre du musée, la Rebecca ou Grande porteuse d’eau et L’Oiseau d’or. Des photographies d’époque montrent d’ailleurs la Tête d’éphèbe trônant sur un meuble du salon du décorateur.
Marc du Plantier était très attaché à cette tête sculptée, qu’il évoque dans une lettre à son épouse. Il conserve longtemps cette œuvre et, lorsqu’il rencontre des ennuis financiers, dans les années 1960, et qu’il doit progressivement vendre sa collection, il ne se résout à s’en séparer que tardivement. Le musée l’a acquise en 2023 auprès d’un descendant de l’amie à qui Marc du Plantier l’avait cédée, et la présente depuis dans son parcours permanent. Elle est visible dans la dern

Ossip Zadkine, Projet pour le bas-relief Les Arts et L’Industrie de la façade de l’Hôtel de Ville de Poissy, 1935-1937 Plâtre patiné , 60 x 90 x 8 cm
Paris, musée 


Ce plâtre patiné prendra place dans la section de l’exposition dédiée au décor architectural, domaine dans lequel Zadkine s’est illustré à plusieurs reprises. En 1937, il livre notamment un bas-relief allégorique monumental (2,30 par 2,70 mètres), le seul qu’il ait réalisé pour la façade d’un bâtiment public, pour le nouvel Hôtel de Ville de Poissy (Yvelines). Cette œuvre en ciment moulé, que l’on peut toujours admirer in situ, représente une version modernisée du thème des arts et de l’industrie en donnant une place centrale à la figure de l’ouvrier et en opposant le travail en usine aux loisirs, avec une figure représentant la musique et une figurant le théâtre, dans une ville bastion de l’industrie automobile et en pleine période du Front Populaire.
L’œuvre acquise par le musée a été moulée sur le modèle original, aujourd’hui disparu, ébauché par Zadkine en terre, et donnée par le sculpteur à Henri-Jean Calsat, un des deux architectes de l’Hôtel de Ville. Elle est restée dans la famille pendant près d’un siècle, jusqu’à ce que le petit-fils d’Henri-Jean Calsat la propose au musée Zadkine. 
Il s’agit d’une opportunité unique pour le musée, puisque l’œuvre est inédite : son existence n’était documentée que par des archives. De manière générale, quasiment aucun projet préparatoire de Zadkine à la réalisation d’un bas-relief architectural n’est conservé dans des collections muséales, à l’exception notable d’un autre relief, également montré dans l’exposition, les Ouvriers au travail du musée Zadkine, qui pourrait être une version encore antérieure de l'œuvre de l’Hôtel de Ville de Poissy

Ossip Zadkine (1888-1967), Odalisque, 1933  
Gouache sur papier, 65 × 44,5 cm  
Paris, musée Zadkine

Fin 2024, le musée Zadkine a pu acquérir une exceptionnelle gouache de Zadkine datant de 1933 et représentant une jeune femme assise dans un intérieur, intitulée L’Odalisque.
Dans les années 1920-1930, Zadkine pratique en effet assidument le dessin. Il montre une prédilection pour la technique de la gouache qu’il pratique indépendamment de la sculpture. Les gouaches sont d’ailleurs, à ce moment de sa carrière, plus faciles à vendre que les sculptures, ce qui explique l’abondance de leur production. Avec leurs couleurs vives et leurs sujets simples et séduisants, beaucoup trouvent en effet rapidement preneur. Cette Odalisque a ainsi été acquise dans la seconde moitié des années trente par Albert Cartier-Millon (1881-1973), industriel grenoblois descendant du fondateur de l’entreprise Lustucru. Ce dernier en avait fait l’acquisition auprès de Pierre-André Farcy (1882-1950) dit Andry-Farcy, conservateur du musée de Grenoble. Restée dans la famille d’Albert Cartier-Millon, elle a pu être achetée par le musée en décembre 2024 et est montrée pour la première fois au public à l’occasion de l’exposition Zadkine Art déco. Sa provenance est particulièrement intéressante : la proximité de son premier propriétaire avec Andry-Farcy, conservateur du musée de Grenoble, célèbre pour avoir fait entrer au musée l’art de son temps, montre combien Zadkine était inséré et apprécié dans les milieux artistiques d’avant-garde de son époque.

L’iconographie représentée est tout aussi intéressante que la provenance de l’œuvre : une séduisante jeune femme vêtue d’un pantalon bouffant – d’où sans doute son nom d’odalisque – s’étire voluptueusement au centre d’une pièce dotée de riches tentures. À cette période, Zadkine prend en effet pour thème de prédilection le corps de la femme dont il célèbre la beauté. En choisissant un sujet teinté d’orientalisme et maintes fois illustré depuis le 19e siècle, il ne peut ignorer non plus qu’il s’inscrit dans une tradition iconographique particulièrement riche, illustrée par les plus grands maîtres, d’Ingres à Matisse et Picasso. Les motifs qui ornent le corsage de l’odalisque, mais aussi l’étoffe des rideaux et du tapis, sont traités avec un grand raffinement, qui témoigne d’un intérêt marqué pour le décoratif. Cet intérêt émerge dans l’œuvre dessiné de Zadkine au tournant des années 1920-1930 : il fait écho aux expérimentations que l’artiste mène à la même époque dans le domaine de la sculpture, où il s’amuse alors à colorer, dorer et laquer certaines de ses œuvres.